Traiter les binômes de souffrance

On les appelle les « binômes de souffrance ». Ils traduisent l’incapacité collective d’une organisation à changer. Comment les traiter en tant que coach ?

On les appelle les « binômes de souffrance ». 

Ils traduisent l’incapacité collective d’une organisation à changer. Comment les traiter en tant que coach ?


D’abord, les reconnaître.


C’est facile pour le binôme pétérisation – prématuration : un chef en limite de compétence (principe de Peter) qui surcharge ses collaborateurs de tâches qui le dépassent.


Ces collaborateurs confient vite au coach leur épuisement et leur sentiment d’injustice : « ce n’est pas à moi de faire tout ça ».


De même, le binôme bouc émissaire - victime se reconnaît de loin. La tête de Turc d’un service est malmenée par certains, plainte par d’autres et connue de tous.


En revanche, le binôme de protection mutuelle (deux collègues dont chacun couvre les lacunes de l’autre) demande plus de métier. Mais on y arrive !


Traiter ces binômes de souffrance, c’est d’abord éviter deux écueils :


▪️ disqualifier les protagonistes : ils sont le symptôme, et non la cause, de la difficulté du système à s’adapter au changement.


▪️ chercher des coupables : on renforce les binômes et on rigidifie le système.


Or, l’objectif est au contraire de retrouver un fonctionnement collectif axé sur la coopération.


Aussi, je privilégie le décalage assumé : forcer le trait, pousser les comportements problématiques à l’extrême pour en révéler l’absurdité.


Quelques exemples :


▪️ demander au collaborateur impliqué dans un dysfonctionnement des suggestions pour aggraver encore la situation.


▪️ dire à celui qui vous confie « je suis nul » qu’il est en deçà de la réalité et qu’il doit trouver un mot plus juste pour la décrire.


▪️ proposer à l’équipe qui vit dans la plainte récurrente d’imaginer chaque jour dix nouveaux motifs de griefs.


Cette stratégie ridiculise les comportements, jamais les personnes. Et l’humour aide à dépasser les tensions au lieu de les cristalliser.


J’utilise aussi trois recadrages très puissants :


▪️ le recadrage de perception : par exemple, apprendre à lire les situations en écoutant, et pas seulement en observant. Plus on active de capteurs, plus on enrichit sa vision du monde.


▪️ le recadrage de contexte : exemple, apprendre à celui qui énonce à chacun ses quatre vérités qu’il y a des moments et des lieux pour le faire.


On ne se prive pas de sa lucidité et de sa capacité d’analyse, mais on les déporte sur un terrain moins miné.


▪️ le recadrage de sens : ne pas prendre contre soi des signaux qui ne vous sont pas destinés.


Je pense à ce patron qui fronçait toujours les sourcils dans l’ascenseur, ce qui mettait les collaborateurs présents mal à l’aise. Or, il n’avait aucune intention hostile. Juste une intolérance à la lumière trop crue de la cabine… 


Enfin, traiter un binôme de souffrance implique de bien cibler le système sur lequel intervenir.


Le coach expérimenté sait qu’un problème au niveau n résulte de causes au niveau n+1. Mais faire entendre cette réalité prend parfois du temps !



Jérôme Curnier


dans Billets
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