Tout coach souffre du complexe de l’imposteur.
Le mal est aigu les premières années de pratique, ressurgit par poussées ensuite et touche les plus expérimentés.
Essayons de comprendre pourquoi.
Chez le coach en formation, le complexe de l’imposteur est à bas bruit : on se pardonne de ne pas savoir, car on est en train d’apprendre.
Dès la certification, la pression monte d’un coup : « je n’ai plus droit à l’erreur ».
Pourtant, le coach fraîchement diplômé a intégré qu’il n’avait pas d’obligation de résultat. Mais psychiquement, il se l’impose. Tout en mesurant son manque d’expérience.
C’est particulièrement vrai pour les coachs qui étaient managers auparavant. Pendant des années, ils ont livré des résultats, des produits, des projets.
Difficile de faire le deuil de cette mécanique bien huilée, de renoncer à « livrer » à des clients ce qu’ils demandent avec insistance : aller mieux.
La confrontation aux premiers prospects est brutale. Le coach réalise qu’il y a de gros trous dans la raquette. Le complexe de l’imposteur explose.
Certains sabotent l’entretien initial, pour se libérer du poids écrasant du « je dois savoir ».
D’autres se tournent vers un groupe de supervision pour découvrir de nouveaux cadres de référence, et apprendre ou réapprendre à concevoir des plans d’intervention.
Ils en profitent pour échanger avec d’autres débutants ou des coachs aguerris, partager des ressentis, en rire, repartir mieux armés.
Plus tard, le complexe de l’imposteur peut revenir face à un client ingérable, ou quand se met en place un « processus parallèle ».
Exemple : le coach élevé par un père autoritaire accompagne un cadre écrasé par un manager tout aussi autoritaire.
Tout se brouille et devient confus :
🔸 le cognitif : le coach peine à comprendre les explications du client,
🔸 l’émotionnel : il ressent comme son client de la tristesse, de la peur, de l’abattement…
🔸 le passage à l’action : il ne sait plus quoi faire, comment avancer dans le processus.
Il faut être costaud pour ne pas se dire « je suis nul », prendre du recul et se remettre sereinement à l’ouvrage :
🔸 poursuivre ou réentamer un travail thérapeutique, dans ce cas pour explorer son inconfort face aux figures d’autorité,
🔸 recourir à des outils éprouvés, comme la confrontation des émotions de l’analyse transactionnelle.
L’acquisition régulière de nouveaux cadres de référence est un excellent moyen de gagner en confiance.
Comme si le coach apprenait des langues étrangères et pouvait se faire comprendre dans un nombre croissant de pays.
Enfin, même pour un praticien senior, il est délicat de s’entendre dire par un client « tu avais l’air fatigué la dernière fois » ou « j’ai l’impression que tu n’es pas avec moi ».
Il a pour lui l’expérience, le savoir, la capacité à relativiser et à se remobiliser. Il s’en sortira. Mais il n’échappera pas au doute : le complexe de l’imposteur, c’est le plus souvent à vie.
Jérôme Curnier