Les trois binômes de souffrance

Avez-vous déjà observé des responsables en limite de compétences qui se déchargent sur leurs subordonnés des tâches qu’ils ne savent pas faire ?

Avez-vous déjà observé des responsables en limite de compétences qui se déchargent sur leurs subordonnés des tâches qu’ils ne savent pas faire ?


Ou des organisations qui fabriquent des boucs émissaires, puis les sacrifient ?


Ou des managers qui ne sont pas à leur place, mais se maintiennent grâce à un réseau de protections mutuelles ?


Ce sont des « binômes de souffrance », typiques d’une organisation qui ne sait pas s’adapter au changement et appuyés sur les fragilités psychiques des collaborateurs.


Ils ont été théorisés par un spécialiste en coaching d’organisations, Jacques-Antoine Malarewicz.


Même s’ils génèrent de la souffrance, ces binômes durent, car ils sont basés sur un équilibre interne difficile à bousculer.


Ils inspirent et motivent la majorité des coachs, car ils s’inscrivent dans un rapport fascinant au vide, à l’impuissance et à la figure de l’imposteur.


1️⃣ Premier binôme : pétérisation et prématuration


Un responsable atteint son niveau d’incompétence, comme théorisé par le principe de Peter ; il est « pétérisé ».


Il confie à ses collaborateurs ce qu’il n’est plus capable d’assurer. Ces derniers subissent une « prématuration » et se retrouvent en surcharge de travail chronique.


Le phénomène peut se propager par contagion verticale ou horizontale, d’un service à l’autre : plus personne ne fait ce qu’il est censé faire, et toute l’organisation souffre.


Certes, ce binôme crée de la polyvalence. Mais les « prématurés » trinquent et le système est sous risque : si un collaborateur clé s’en va, tout s’effondre.


2️⃣ Deuxième binôme : protection mutuelle


Un responsable A qui se sent incompétent ou fragilisé par le changement s’appuie sur un responsable B à qui, en contrepartie, il garantit sa protection.


Par exemple, un dirigeant de PME sans connaissances informatiques donne carte blanche à son DSI pour gérer cette partie et le couvre quoi qu’il arrive.


Les deux protagonistes créent un système de dettes mutuelles qui les protège, mais relègue les intérêts de l’entreprise au second plan.


Le dirigeant ne cherchera pas à monter en compétence sur la stratégie SI. Quant au DSI, il peut choisir l’inaction ou commettre de graves erreurs sans être sanctionné.


3️⃣ Troisième binôme : bouc émissarisation et victimisation


Une organisation qui connaît des dysfonctionnements en attribue la responsabilité à un ou plusieurs boucs émissaires.


Elle se fabrique des victimes potentielles qui le moment venu, pourront être mises à l’index, voire sacrifiées : mutation, licenciement...


L’organisation ne se questionne pas sur son dysfonctionnement, qui perdure. Et le cycle se poursuit, les bourreaux d’hier devenant à leur tour des victimes.


Bien entendu, les binômes de souffrance ne sont pas aussi clairs, aussi lisibles quand le coach débute sa mission.


À lui de les révéler, puis de décider s’il doit agir, comment agir, vis-à-vis de quels acteurs et avec quel timing. J’y reviendrai dans un prochain post.




Jérôme Curnier


dans Billets
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