Les différents personnages de la trilogie identitaire en psychologie humaniste et leur dynamique de fonctionnement (3/9)

Un article de Jérôme Curnier


Introduction

La semaine dernière, j'exposais les prémices du modèle de la trilogie identitaire utilisée en psychologie humaniste pour représenter l'être humain ; ce modèle fournit aux professionnels de l'accompagnement une représentation dynamique de la personne dont ils peuvent se servir pour accompagner leurs clients au changement.

Dans l'article de cette semaine, je me propose de revenir sur le premier des différents personnages de cette représentation, à savoir le prince et la princesse pour en présenter la nature et les caractéristiques...

Rappel visuel du modèle




Le Prince et la Princesse


Le prince (ou la princesse) porte une connotation symbolique, mélange de beauté, de noblesse et de jeunesse, suggère F. Delivré.

C’est un être à la fois déjà là mais aussi en devenir, porteur d’une promesse (ou d’une espérance de réalisation), qui vit dans l’ici et maintenant avec des émotions, des pensées, des intentions d’action. Il est énergie vivante, physiologique, psychologique, spirituelle. On lui retrouve cinq attributs fondamentaux sur lesquels l’accompagnant va pouvoir fonder l’« alliance de princes » entre lui et son client...

Un être de désir

Le prince est un être de désir : il s’agit là d’une aspiration à vivre en plénitude, à avoir et prendre une place spécifique dans le monde, à accomplir son potentiel. Cette aspiration constitue la source de son dynamisme de vie. Rappelons que le désir est une tension qui provient d’un manque et qui est devenue consciente d’elle-même. Le désir s’accompagne de deux composantes essentielles : 1) d’une représentation du but à atteindre ; et 2) d’une volonté de mettre en œuvre les moyens de l’atteindre. Ce désir sera un puissant levier d’accompagnement. Le coach aura toujours à l’esprit d’éveiller la personne qu’il accompagne à la conscience de ses désirs.

Un être de besoins

Le prince est un être de besoin : le besoin est une exigence issue de la
nature humaine ou de la vie sociale. Contrairement au désir, une fois
satisfait, il disparaît.

Outre la hiérarchie des besoins proposée par A. Maslow qui parle des besoins : physiologiques (1), de protection (2), d’appartenance (3), d’amour et d’estime de soi (4), de réalisation de soi (5), et de transcendance (6), on peut rappeler les neuf soifs fondamentales identifiées par É. Berne comme expression des besoins : la soif de stimulation (1), la soif de reconnaissance (2), la soif de structuration (3), la soif de positionnement (4), la soif de contacts physiques (5), la soif de sexualité (6), la soif de schémas/solutions toutes faites/programmes pour interagir dans le monde (7), la soif de confirmer sa position de vie (8), et enfin la soif d’accomplir son scénario (9).

Dans le cadre de référence de l’Analyse Transactionnelle, on appelle «scénario» le plan de vie inconscient ou au mieux préconscient décidé dans l’enfance. Une autre définition possible : le scénario est l’ensemble des croyances que nous avons sur nous-mêmes, les autres et la vie, et que nous allons chercher à confirmer inconsciemment (hors de notre champ de conscience) dans le déroulement de notre vie. La définition donnée par E. Berne est plus technique : « C’est un plan de vie qui, s’il est insatisfaisant, est fondé sur des décisions qu’une personne peut prendre à chaque étape de son processus évolutif, lesquelles limitent sa conscience, inhibent sa spontanéité, entravent l’intimité. Ces décisions sont peu flexibles et peu autonomes, fondées sur des convictions rigides et distordues (croyances limitantes), acceptées comme clôture d’une Gestalt dont le besoin n’a pas été satisfait. » (citation issue de l’ouvrage de Ian Stewart et Vann Joines, Manuel d’analyse transactionnelle [InterÉditions, 2014]).

L’approche de la Communication Non Violente (CNV) suggère encore une autre liste de besoins universels. M. Rosenberg les définit comme des manifestations de la vie, une énergie vitale qui nous mobilise pour agir dans le sens qui va nous faire croître. Il explique d’ailleurs que ces besoins sont indépendants de tout contexte et, par conséquent, qu’ils ne sont attachés ni à une personne en particulier, ni à un objet, ni à une action, ni à une situation spécifique. Il insiste en outre sur la multiplicité demanières de les satisfaire, qu’il nomme des « stratégies ». Pour lui, neuf besoins fondamentaux recouvrent à peu près toute la palette des besoins humains : les besoins physiologiques, de bien-être physique (1) ; le besoin de sécurité (2) ; le besoin d’empathie et de compréhension (3) ; le besoin de créativité (4) ; le besoin d’amour et d’intimité (5) ; le besoin de jeu et de distraction (6) ; le besoin de repos, de détente et de récupération (7) ; le besoin d’autonomie (8) ; et enfin le besoin de sens et de spiritualité (9).

Taibi Kahler, transactionnaliste qui a développé le modèle psychométrique
Process Communication Management (PCM), identifie huit types de
besoins psychologiques classiques. Il nomme besoins psychologiques les
soifs puissantes qui nous motivent à vouloir certaines choses et à agir
d’une certaine façon. Les besoins psychologiques doivent être satisfaits si
nous voulons que notre état d’esprit et notre comportement restent positifs
et ouverts à la coopération, notamment en environnement professionnel.
Il s’agit des besoins de : reconnaissance en tant que personne (1) ; sollicitation sensorielle (2) i.e. bien boire, manger, dormir, disposer d’un environnement
chaleureux, etc. reconnaissance de son travail, de ses accomplissements (3) ; structuration du temps (4) ; reconnaissance de ses opinions et de ses convictions (5) ; solitude (6) ; excitation (7) ; contacts relationnels (8).

De nombreux chercheurs et auteurs proposent encore d’autres listes. Mon
propos n’est pas d’être exhaustif mais bien de donner quelques exemples
utiles pour le coach.

Un être de ressources

Le prince est un être de ressources : les ressources du prince sont en rapport
avec les caractéristiques génétiques, physiques et intellectuelles de base de la personne mais aussi avec l’environnement familial et social. Une des difficultés que rencontrera le prince, c’est qu’il naît limité et qu’il devra accepter d’autres ressources qui lui seront imposées. Le rôle de l’accompagnant consistera soit à mettre en lumière les ressources de son client afin que ce dernier s’en saisisse pour aller de l’avant, soit à lui redonner accès à ses propres ressources s’il ne parvient plus à y recourir.

Les démarches de la Programmation Neuro-Linguistique, de l’hypnose
éricksonienne (humaniste ou clinique) et de l’EFT (Emotional Freedom
Technique), etc., sont très puissantes en la matière. Nous aborderons
la mise en place des ressources lorsqu’elles sont manquantes dans le
troisième ouvrage de cette collection "Coaching global".

En tout état de cause, le coach veillera toujours à traiter les méconnaissances éventuelles de son client, en analysant avec lui ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.

Un être de création-réalisation

Quatrième caractéristique du prince : c’est un être de création-réalisation.
On retrouve ici le besoin décrit par la CNV. On peut aussi rapprocher cet
aspect du besoin de réalisation de soi de A. Maslow. De son côté, V. Frankl
nous rappelle que l’acte le plus créatif qui soit, le plus responsable, le plus
honorable même, ce qui fait de l’humain un être unique, consiste à donner
le sens qui lui convient à sa propre vie. Cela réfère à la responsabilité dont
chacun est dépositaire : que fait-on de cet attribut particulier du prince ?
Comment crée-t-on, donne-t-on du sens à sa vie ?

Un être de relations

Le prince est un être d’interactions systémiques, un être de et en relation.
Notre naissance elle-même est le fruit d’une relation. La relation est
donc inscrite au plus profond de nos gènes, de notre code génétique. Ce
qui nous apporte notre plus grande joie, c’est de nous relier à la vie en
contribuant au bien-être des autres et, par la même occasion, au nôtre.
Il ne s’agit pas là d’un dogme moral ou religieux mais d’une observation
clinique et sociologique.

===

Dans la suite de l’article, nous aborderons  le rapport que le prince entretient avec le monde et comment ses perceptions se traduisent en termes de comportements, de ressentis, de pensées et éventuellement de séquence de stress.

A la semaine prochaine,

Jérôme Curnier.



L'identité, ce qu'il est utile d'en savoir lorsque l'on accompagne en coaching (2/9)
Un article de Jérôme Curnier