Les constats de société à l’origine de la montée des besoins en accompagnement (4/4)


Introduction

Dernier constats que je veux souligner à l'origine des besoins en accompagnement professionnel et personnel est l'évolution de la place à donner aux valeurs dans le management post moderne. J'avais déjà évoqué cette question lors de la publication d'un article le 4 février 2017.

Rappelons en les principaux aspects.

Evolution dans l'entreprise

Les principes de management évoluent

Gary Hamel signait en 2007 l’ouvrage « La fin du management, ou inventer les règles de demain » (Edition Vuibert) dans lequel il montrait comment l’innovation managériale était autant nécessaire que l’innovation technologique pour répondre aux mutations du monde de l’entreprise et du monde tout court.

Il y préconise « une refonte complète, drastique, de l’édifice vermoulu de principes, de processus et de pratiques du management actuel ». Cette refonte, il l’a nommée le chemin vers « le management 2.0 », à l’image de la technologie du Web qu’on dit 2.0. 

L’enjeu, dit-il, de l’innovation managériale est d’abord d’amplifier puis d’agréger l’effort humain de manière à permettre aux personnels de réaliser ensemble ce qu’ils n’auraient jamais pu réaliser seuls. Il rappelle notamment que dans les années 90, le Web 1.0 n’était guère qu’une collection géante de pages Internet statiques. 

Au XXIème siècle, le Web 2.0 se construit autour de nouvelles « architectures de participation […]. L’anatomie sociale du Net est un réseau où tout le monde est (potentiellement) connecté à tout le monde. Ici les processus de contrôle et de coordination horizontaux se substituent aux processus verticaux ».

De telles mutations managériales ne peuvent se faire sans un accompagnement qui n’est pas uniquement technologique. Il ne suffit pas de donner des outils, voire des structures organisationnelles 2.0 pour que les mentalités sachent comment passer de processus verticaux à l’interdépendance qui exige la parité entre acteurs et l’intégration de processus circulaires et horizontaux.

Performance durable repose désormais sur des valeurs

La clé d’une performance durable portera de plus en plus sur le savoir être et la façon dont on fait les choses, voire sur le sens qu’on y adjoint. De plus en plus les entreprises prennent conscience que les valeurs, lorsqu’elles sont incarnées par les personnels conduisent à une performance durable, et constituent une authentique stratégie pour établir des relations solides de coopération tant en interne qu’en externe avec clients et fournisseurs.

Le fonctionnement du monde interconnecté et interdépendant d’après Dov Seidman (dans son ouvrage « How ») repose sur deux formules mathématiques de son cru :

1) (Technologie + Passion humaine) x (Idées « fausses » + « mauvaises » Valeurs) 
= divers Extrêmes et Dysfonctionnement global  

2) (Technologie + Passion humaine) x (Idées « justes » + « bonnes » Valeurs) 
= stabilité globale et Prospérité durable 

Il y a deux constantes dans ces formules : la connexion technologique qui ne diminuera jamais et la passion humaine pour le progrès et l’amélioration de la vie.

A ces constantes s’ajoutent deux variables : nos idées sur le monde et les valeurs. Les idées « justes » et la mise en œuvre de « bonnes » valeurs engendrent stabilité globale. Or, nous traversons aujourd’hui une crise des modes de vie occasionnées par nos relations à nous-même, aux autres et à notre environnement, tout cela reposant sur une crise de valeurs, lesquelles sont à réinventer en partie.

Ce dont nous avons réellement besoin, c’est de repenser les relations qui sous-tendent nos systèmes et modes de vie. Or résoudre une crise de mode de vie, cela revient à changer notre mode de vie !

Évolution du leadership

Cela a des conséquences sur le plan du leadership. Dans l’économie actuelle du savoir, les informations et les idées sont infinies, (cf. Marc Halévy in « L’Age de la connaissance »). Google se charge de les distribuer gratuitement. On passe donc d’un leadership du « commander et contrôler » à celui du « connecter et collaborer ». Autrement dit renoncer à avoir du pouvoir sur les gens, déployer son pouvoir pour les gens en lançant des vagues de nouveaux comportements au travers d’une nouvelle éthique.

Classiquement, en management, on peut forcer les personnels à adopter tel comportement (via un système de punition), motiver (via un système de carotte/bâton, ce qui s’avère finalement très cher dans la mesure où chaque comportement recherché devra être canalisé par des règles donnant lieu à des comptes d’apothicaires infernaux) et enfin inspirer. Alors que coercition et motivation sont extrinsèques (viennent de l’extérieur), l’inspiration est intrinsèque (vient de l’intérieur). Les personnes inspirées ont un objectif qui est plus important qu’elles-mêmes, ce que Frankl nomme l’auto-transcendance. Ces personnes sont guidées par des valeurs qu’elles estiment fondamentales.

Il ne suffit donc pas d’avoir de bons comportements mais l’inspiration qui va avec.

Évolution induite des organisations

Si le leadership passe du management de type contrôle et motivation à celui de l’inspiration, la structuration des organisations doit suivre la mutation correspondante : après l’aplatissement de l’organigramme qui est le plus facile à mettre en œuvre, il convient d’élaborer et faire grandir une culture d’entreprise susceptible de développer les comportements adéquats sur la base de valeurs humaines et la diminution des méthodes anciennes d’ordres et de contrôle.

Le seul différenciateur sera la qualité et la profondeur de l’humanité de chacun. Mais il ne suffira pas de proclamer son humanité, encore faudra-t-il la vivre !

Ce que l’on constate, c’est que les entreprises qui ont fait ce choix d’un mode de fonctionnement humain avec des leaders inspirants adoptent beaucoup plus vite de nouvelles idées, sont plus innovantes, ont de meilleur taux de fidélisation de leurs clients, ont moins de turnover.

Les leaders inspirants savent que la valeur réelle et durable n’est obtenue qu’en recherchant une chose plus grande qui fait la différence dans la vie des autres. Là est en grande partie la valeur du mot SENS.

Un nouveau modèle d'accompagnement.

C'est sur la base des différents constats que j'ai soulignés au cours des quatre dernières semaines, que l'institut maïeutis que j'ai fondé il y a maintenant plus de 10 ans a développé une pédagogie qui propose de mailler développement professionnel et développement personnel sans les dichotomiser ni les confondre.

Dans la mise en œuvre de ces accompagnements, l’enjeu m’apparaît être l’alignement intérieur de la personne et l’unification de ses différentes polarités de sens et d’action. Ceci passe par la réconciliation de nos différentes facettes intérieures et par la prise en compte de notre responsabilité devant l’existence.

Lorsque l’on regarde sur Internet l’offre très (trop) riche qui se présente à nous en matière d’accompagnement, les deux grandes approches que l’on retrouve classiquement sont:

D’une part, le développement professionnel, par la mise en œuvre de son excellence, terme galvaudé, certes, mais qui mérite que l’on s’y attarde. On retrouve ici, par exemple, le développement du leadership, l’art d’animer ses équipes, l’apprentissage de parler en public avec efficacité, etc.
D’autre part, le développement personnel, par la prise en compte de son bien-être et de son corps, de ses sens, de sa créativité, le tout pour donner une nouvelle saveur à l’existence en lui trouvant plus de sens.
J’oublie volontairement les accompagnements que je nommerai spiritualistes (plus que spirituels), tant par prudence qu’afin de ne pas tout mélanger. Je reviendrai sur les aspects spirituels dans le cinquième ouvrage de la collection "Coaching global".

S’il est vrai qu’il ne faut pas confondre les deux champs (développements professionnel et personnel) dans leur traitement, il me semble stérile de vouloir les séparer de façon dogmatique comme cela a longtemps été le cas.

Schéma récapitulatif de la démarche de l’Institut maïeutis

Rappelons que l’enjeu de combiner les deux développements est l’alignement intérieur de la personne. Dans cette approche :

La recherche de l’excellence est la façon générique de nommer le résultat cible des démarches de développement professionnel. L’excellence est-ce à quoi conduit la mise en œuvre de son concept hérisson, comme nous le verrons ci-après.
La recherche du rayonnement est la façon générique de nommer le résultat cible des démarches de développement personnel obtenu au travers du travail sur les sens et le sens.

Le schéma suivant récapitule donc les polarités de développement et les résultats ciblés par la démarche.




Voici rapidement comment s’articulent ces développements professionnel et personnel, comme le présente le schéma suivant :




Développement personnel : le rayonnement

En matière de développement personnel, l'enjeu est de permettre aux personnes qui le souhaitent de raffermir leur rayonnement, résultat d'un travail de présence à soi, conscience de soi, connaissance de soi et travail sur soi, qui conduit la personne à agir avec elle-même.



Développement professionnel : l'excellence

En matière de développement professionnel, l'enjeu est de développer l'excellence de chacun. le terme est probablement galvaudé tant il est est fréquemment utilisé. 

Néanmoins, dans le cadre qui nous concerne, il s'agit à titre individuel d'identifier son domaine d'excellence, de le formaliser afin de valoriser et d'en vivre, et, à titre collectif d'appréhender le "management ressource" et la coopération qui conduit à l'intelligence collective.



Lorsque l’excellence et le rayonnement génèrent de la densité

La double démarche de l’accompagnement professionnel, avec en ligne de mire le développement de l’excellence et de l’accompagnement personnel ayant comme objectif le rayonnement, vise tout d’abord à permettre à la personne de sortir du cloisonnement qu’elle a parfois vis-à-vis d’elle-même. Si le domaine de la vie privée n’est pas le même que celui de la vie professionnelle, ils se nourrissent mutuellement dans un cercle vertueux ou encore se compensent en cas de déséquilibre.

Par ailleurs, on aura sans doute constaté que le fait de ne pas se sentir cloisonné en soi génère une harmonisation et donc une ouverture intérieure qui induit une disposition du cœur vis-à-vis des autres.

C’est dans cette ouverture qu’il devient envisageable d’apprendre ensemble et de construire progressivement l’art de l’interdépendance pour vivre les uns avec les autres. Pari fou voire utopique. Force est de constater qu’il y a plus de plaisir et de repos à vivre en étant au service les uns des autres qu’au seul service de soi-même.

Thomas d’Ansembourg nous invite donc à une « intériorité citoyenne », un retour vers soi. Pour ma part, je dirais qu’il ne peut y avoir retour vers soi que dans une relation et pour se mettre au service de la relation. Cette relation de l’accompagnant et de l’accompagné est, à cet égard, un lieu de travail exemplaire. Soulignons, en effet, combien la notion d’identité qui relève de la conscience individuelle immédiate perd toute forme si la relation n’a pas préexisté. L’un des paradoxes principaux de l’identité, c’est que cette dernière est une construction individuelle de la conscience, alors même qu’elle ne peut exister sans un rapport au monde et donc à l’autre. Il ne peut y avoir de construction individuelle que dans l’élaboration d’une intersubjectivité relationnelle, pour reprendre un terme cher à la psychologie humaniste.

Lorsque la personne trouve du sens à sa vie professionnelle au travers du travail de son concept hérisson, qui induit l’excellence et que, simultanément, elle développe une compétence narrative et le contact avec son corps dans une démarche de développement personnel, qui induit le rayonnement, force est de constater que cette personne acquiert une densité certaine. Cela ne la rend sûrement pas toute puissante dans l’acception de « surhumaine » mais assurément « superhumaine », terme proposé par Jacques Attali dans son ouvrage "Une brève histoire de l’avenir"…

Je formule donc, pour résumer la double démarche, une espèce d’équation dans laquelle l’excellence maillée au rayonnement (en addition ou en multiplication, je vous laisse juge de ce type de mathématiques fort peu académique !) induit la densité. Or, la densité est le fruit d’une transformation et donc d’un mouvement. J’aime aussi rappeler que le terme de densité, dans le champ lexical spirituel, se dit également « gloire ». Il ne s’agit pas, ici, d’entendre ce terme comme la « gloriole » ou les paillettes, mais véritablement comme la capacité de se « laisser habiter » par le fruit de la transformation.

Chaque élément de la démarche de l'institut maïeutis s'articule et s'organise en le schéma global suivant :


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Dans la suite des publications, nous aborderons un processus que j'ai mis au point dans ma pratique d'accompagnement des équipes : l'art de faire un feedback groupal. Au même titre qu'en accompagement individuel il importe de soutenir son client par du feedback, le feedback groupal permet à un groupe de prendre conscience de la spécificité de son identité et de sa contribution au bien commun.

Bonne semaine à vous,

Jérôme Curnier.


Les constats de société à l’origine de la montée des besoins en accompagnement (3/4)
Un article de Jérôme Curnier