Accompagner le travail de deuil en coaching (1/5)

Une série d’articles de Jérôme Curnier


Introduction

De très nombreux ouvrages traitent des processus de deuil. La plupart d’entre nous avons maintenant, sinon intégré, au moins entendu parler des cinq étapes proposés par Elisabeth Kübler Ross du déni, de la colère, du marchandage, de la tristesse et de l’acceptation. Ces cinq étapes correspondent à la dynamique psychologique que traverse l’être humain en face d’une perte. Mon propos est d’aller plus avant dans la description de ces processus en y adjoignant mes propres recherches en la matière…

Avant le deuil, le changement

La croissance, et d’une façon générale l’évolution, sont constitutives de la vie de chacun et réclament des capacités d’adaptation. Les êtres humains ont d’ailleurs une capacité extraordinaire à s’adapter à l’environnement par « ajustement créateur » (terme Gestaltiste).

Lors des différentes étapes de notre vie, nous avons à franchir les « cycles » du changement. Le besoin de changement se fait sentir dès lors que les réponses données antérieurement ne sont plus adaptées aux besoins d’aujourd’hui.



En cette matière, la responsabilité de l’accompagnant professionnel est de faciliter le passage de certaines étapes de ces changements : en effet, la recherche de nouvelles adaptations se fait mieux si elle est entourée d’un cadre protecteur (comme par exemple le coaching).

Le cycle normal de croissance

La croissance de la personne se fait toujours au travers d’un cycle, lui-même constitué autour de cinq étapes ou phases repérables que sont :

- l’attachement, 
- puis le développement du lien 
- après quoi s’ensuit une rupture ou séparation,
- d’un processus de deuil, qui, s’il est vécu correctement, 
- ouvre à la phase de ré-attachement






Attachement et liens

L’attachement peut se développer vis-à-vis d’une personne, d’un groupe, d’un lieu, d’un objet, d’une idéologie, d’un rêve, d’une croyance.

Cette liste n’est pas limitative. Rappelons néanmoins que la force du lien d’attachement dépendra de trois caractéristiques :

- L’intensité de l’investissement mis par la personne,
- Les enjeux associés,
- L’ancienneté (la durée) du lien.


C’est la vie qui nous amène à changer les liens, notamment pour poursuivre notre propre croissance. Il arrive aussi que ces liens nous soient littéralement « arrachés ». On parlera alors de rupture, laquelle va marquer le changement, va en constituer sa matérialité. Il y aura un avant et un après l’événement. L’événement rompt un équilibre, une stabilité, une routine. Cette rupture peut être subie ou choisie.

Types de rupture

L’expérience de l’accompagnant que je suis m’a permis d’identifier plusieurs types de rupture :

1. Les ruptures progressives :

- Désagréable : ce que je fais ne m’intéresse plus. Le signal : je n’éprouve plus aucune excitation.
- Agréable : une promotion demandée et acceptée, un changement de métier choisi et programmé dans le temps.


2. Les ruptures brutales : 

- Désagréable : licenciement ou faillite de l’entreprise, décès, etc.
- Agréable : j’hérite d’un oncle d’Amérique


Il importe aussi de souligner qu’à la rupture matérielle s’adjoint une rupture psychologique qui n’est pas du même ordre. Si je suis licencié par mon entreprise, je me retrouve avec un chèque pour solde de tout compte et au chômage. La rupture est matérialisée par le chèque et le fait que je ne vais plus au travail. Simultanément, je suis susceptible de rester incrédule voire sidéré. Il s’agit là de la rupture psychologique et il me faudra un certain temps pour prendre conscience et accepter les conséquences de la rupture matérielle.

Le deuil ou la traversée des émotions liées à la rupture

Toute rupture va donc logiquement entraîner une succession d’émotions. Traverser puis résoudre ces émotions en les travaillant (la psychanalyse parle de perlaboration des émotions) s’appelle le processus de deuil.

Faire son deuil, c’est passer et repasser plusieurs fois par les étapes de ce processus jusqu’à ce que les émotions ne soient plus douloureuses. C’est ici que nous retrouvons les émotions dont parle E. Kübler Ross (parmi lesquelles la colère et la dépression ou la tristesse). C’est seulement après perlaboration des émotions qu’il peut y avoir acceptation que ce qui est arrivé soit arrivé ! Cette acceptation porte sur deux niveaux :

- Acceptation de ce qui est arrivé. C’est une acceptation de contenu.
- Acceptation que ce soit arrivé. Elle porte sur le processus propre à la vie.


Si le processus de deuil se vit comme faisant partie intégrante de la vie et que la personne dit "oui" à la vie, alors le ré-attachement est envisageable. Ce qui signe la fin du processus de deuil est précisément

- d’une part le retour du désir et
- d’autre part la capacité d’envisager l’avenir


Il est alors fréquent de constater que des possibles s’ouvrent pour la personne dans son existence, en matière de vie professionnelle comme de vie personnelle.

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Dans la suite de l’article, nous verrons ce qui se produit lorsque la rupture d'attachement n'est pas acceptée.

À bientôt,

Jérôme Curnier.

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Références bibliographiques

- Le métier de coach, F Delivré, Edition d’organisation
- Le déclic, Marie-Lise Labonté, Les Editions de l’Homme
- La mort intime, Marie de Hennezel, RobvertLaffond
- Petits deuil en entreprise, Jacques Antoine Malarewicz, Editions
- Un merveilleux malheur, Boris Cyrulnik, Odile Jacob
- Accueillir la mort, Elisabeth Kübler Ross, Pocket
- La mort, dernière étape de la croissance, Elisabeth Kübler Ross, Pocket
- Leçons de vie, Elisabeth Kübler Ross, Pocket
- Il n’y a ni mort ni peur, ThichNhatHanh
- Découvrir un sens à sa vie, Viktor Frankl, Les Editions de l’Homme
- Nos raisons de vivre, Viktor Frankl, InterEditions
- La guérison des souvenirs, Dennis et Matthew Linn, DDB
- Le syndrôme du gisant, Salomon Sellam, Bérangel
- Coaching global, Jérôme Curnier, Afnor

Types de coaching et niveaux d'accompagnement (4/4)
Un article de Jérôme Curnier