Types de coaching et niveaux d'accompagnement (2/4)

Un article de Jérôme Curnier


Intro​​​duction 

La semaine dernière j'ai présenté, (dans le premier épisode de cette série de quatre articles), les cinq types de coaching (PGCD-S) que l'on met classiquement en œuvre en entreprise. J'aborde ici les niveaux de changement et le type de travail associé en coaching.

Description

V. Lenhardt qui est un des pionniers du coaching en France propose de structurer la profondeur du travail que l’on peut mettre en œuvre avec un client selon sept niveaux. Ce travail va du domaine le plus à la périphérie de la personne au plus profond de son intimité. Ce tableau a donc le grand intérêt de permettre de positionner la demande qui est faite en entreprise et d’avoir une idée assez précise du profil que doit avoir l’intervenant qui doit être choisi pour mener l’accompagnement en question.

Parler du développement de la personne responsable (manager ou dirigeant) sera très différent suivant les niveaux d’action et de développement sur lesquels on va se concentrer.

Premier niveau de travail

Il concerne l’ environnement du manager ou du dirigeant et regroupe les aspects relatifs à la Stratégie (plan ou ligne de conduite permettant la répartition des ressources de l’entreprise dans le temps afin d’atteindre des objectifs déterminés), la Structure (elle caractérise l’organisation : organigramme, lignes opérationnelles et fonctionnelles, centralisation / décentralisation, etc.) et les Systèmes (souvent de communication, informatique, multimédia de type visioconférence, mais aussi tout ce qui relève des procédures : rapports, opérations de routines, mode de réunions, etc.). Il s’agit, selon le modèle des « 7 S » de McKinzey des trois « S durs » sur lesquels il est classique de travailler et qui définissent le cadre formel de l’organisation.

Pour mémoire, les quatre autres « S » sont dits « mous » : il s’agit des compétences ( Skills), des personnels et de leurs relations ( Staff), de la culture managériale de l’entreprise ( Style) et de la vision ( Superordinate goal). Pour plus de détails, on lira « Le management est-il un art japonais ? » de R.T Athos et A.G. Pascale (1981), les éditions d’organisation.

Deuxième niveau d’accompagnement 

Ce qui concerne le poste de travail de l’accompagné (fiche de poste, liens hiérarchiques, appartenance d’équipe, etc.). Les personnes se développeront d’autant mieux que leur poste aura été clairement défini, que les moyens relatifs à la réalisation des tâches sont présents, que les personnes connaîtront bien leur travail, etc.

Troisième niveau

Ce qui concerne les comportements du manager ou du dirigeant. La systémique en parle comme relevant de changement de type 1. Cela touche à son style de management, la façon dont il communique, dont il dirige, prend les décisions, coopère, anime les réunions, inspire ses équipes, ses compétences techniques, etc.

Lorsque l’on met en place un accompagnement du changement de type 1, on dit que le processus relève d’un contrat social (John Allaway) : le comportement change mais pas la structure de la personne. L’exemple typique est celui de l’alcoolique qui cesse de boire mais ne cherche pas à comprendre pourquoi il a bu et à modifier ses croyances et son système de représentations (on parle alors d’alcoolique sec). La dynamique de ce type de changement relève donc du contrôle. Autre métaphore possible pour comprendre la nature des changements de type 1 : si l’on imagine une voiture, aller plus vite dans cette perspective, cela revient à accélérer en faisant appuyer le conducteur sur la pédale en question, même si la voiture passe en surrégime.

La logique de contrôle ne suffit souvent pas pour asseoir dans la durée de nouveaux comportements. Il est alors nécessaire d’aller plus en profondeur.

La particularité de ces trois premiers niveaux, c’est qu’ils touchent la partie visible, observable du champ de travail du responsable à accompagner. A partir du moment où l’on rapproche le travail sur les comportements du changement de type 1, on peut dire que le niveau de changement qui précède correspond au niveau 0 de changement. Et conséquemment que le travail du premier niveau de profondeur cité qui porte sur la stratégie, les structures et les systèmes dont le responsable a la gouvernance correspond au niveau -1 de travail.


 


Quatrième niveau de travail possible 

Il s’agit ici d’aborder, voire de remettre en cause, un ensemble d’éléments plus profonds pour le client parmi lesquels ses croyances, ses valeurs et ses systèmes de représentations. Parmi les croyances on retrouvera celles qui régissent sa vie, le travail, les êtres humains, les relations, la façon dont il se considère (position de vie), le fait de faire confiance, de la donner ou pas, etc. Les valeurs, elles, vont toucher à l’éthique de la personne, à sa conception de la morale et à la façon dont elle intègre les us et coutumes en cette matière ainsi que celles de l’entreprise (on parle alors de valeurs culturelles). Quant aux systèmes de représentations, il importe de comprendre qu’ils conditionnent l’ensemble des actes de management du responsable. Quelle représentation le responsable se fait-il du pouvoir ? De son métier ? De lui-même ? Est-il plus centré sur les contenus, les processus ou le sens ? Autant de questions que l’on posera pour faire émerger les systèmes de représentations des clients en entreprise.

L’approche systémique qualifie ces changements de type 2.

Si l’on reprend la métaphore de la voiture, aller plus vite sous le mode du changement de type 2 consiste à changer de vitesse, à changer de rapport plutôt que d’appuyer plus sur l’accélérateur. Mais cela exige un nouvel apprentissage : celui de l’usage de l’embrayage.

Lorsque l’on met en place un accompagnement du changement de type 2, on dit que le processus relève d’un contrat d’autonomie (John Allaway) : la personne veut comprendre puis modifier ses croyances et son système de représentations ; les changements de comportement proviennent d’une redécision profonde, issue d’une compréhension cognitive mais qui s’accompagne souvent de la redécouverte de ressources intérieures issues d’un changement de regard sur le monde, soi, les autres et d’un traitement émotionnel (la compréhension cognitive n’est généralement pas suffisante). Il n’y a qu’un pas vers la thérapie !

Cinquième niveau de profondeur 

Il s’agit de la structure profonde psychologique de la personne, lieu de ses blessures, de son rapport au corps, de ses affections, etc. On peut appeler cette structure le « caractère ». Il représente en fait l’organisation structurée des défenses et des croyances inconscientes de la personne, développée à travers toute son histoire et tout particulièrement sa petite enfance. Ce niveau de traitement ne peut être mené en entreprise, aussi bien parce que les conditions n’y sont pas réunies pour faire un travail adéquat que parce que se joue une question d’ordre déontologique : l’entreprise ne peut être le financeur de ce type d’exploration psychologique...

Par une logique implacable (!), comme le niveau précédent de changement correspond au type 2, on dira de celui-ci qu’il correspond à un changement de type 3. Au travers de cet type d’accompagnement, la personne redécide de son scénario de vie ainsi que de devenir pleinement consciente, agissante plutôt que réactive devant les événements.

Sixième niveau 

Travailler à ce niveau revient à développer la partie inconditionnelle positive de la personne, ce qui relève du Prince. C’est en fait la partie la plus intime, laquelle est au-delà du système de défense et de blocage que vit tout être humain. On pourrait dire que le développement personnel focalise sur ce type de changement. Le coach va puiser l’énergie de cette partie en mettant en place l’alliance des Princes telle que nous l’avons déjà vue dans d'autres articles.

On donnera le chiffre 4 à ce niveau de changement.

Septième niveau ou changement de type 5 

Il s’agit de l’ accompagnement spirituel dont les protocoles ne seront pas les mêmes selon l’anthropologie spirituelle sur laquelle reposent les démarches. Par exemple, selon l’anthropologie chrétienne, ce niveau de changement consiste à accompagner la personne à accueillir le salut d’une réconciliation avec Dieu, sauvé par le Christ, qui fait de lui un « Homme nouveau » (formulation que l’on attribue à l’apôtre Paul), ce que l’on pourrait appeler le « Prince spirituel », par opposition au « vieil homme », le « Crapaud spirituel » qu’il était avant cet accueil.

Selon l’approche ésotérique, l’homme, dans un processus d’autodivination, « réalise » sa « nature divine » et devient un libéré vivant. J'aborderai plus en détails dans le cinquième ouvrage de ma collection "Coaching global" ce niveau de changement en explicitant ce que l’on peut comprendre de l’identité spirituelle de la personne. L’enjeu de ce type d’accompagnement est d’abord l’harmonisation profonde de l’être, le refus de toute forme de dichotomie, l’intégration, l’humanisation, de ses profondeurs, notamment en menant le travail de l’ombre (formulation jungienne).

Ces quatre derniers niveaux de profondeur relèvent de l’invisible, ils ne sont pas à proprement observables, même s’ils se perçoivent avec plus ou moins de clarté.

Les accompagnants selon les niveaux de profondeur

Selon les niveaux de changement recherchés, la demande ne sera pas adressée aux mêmes intervenants. A chacun son domaine et à chacun ses compétences même si l’on peut considérer que l’être humain est un tout et donc le découper en tranches ne conduit pas à une unification de la personne. Pour autant, comme les protocoles ne sont pas identiques selon les niveaux de traitement (ni les attendus d’ailleurs !), il est possible et préférable de solliciter différents intervenants qui sauront mettre en place les démarches adéquates.

- Le type de consultant qui est sollicité pour une intervention sur l’environnement du responsable (niveau -1) est généralement le consultant en stratégie, en organisation, en systèmes d’informations

- Les consultants appelés pour accompagner les changements de type 0 (définition de poste et de fonction) sont des spécialistes du recrutement, consultant RH au sens large, parfois aussi des consultants en organisation.

- Pour les changements de type 1 portant sur l’amélioration des comportements managériaux du responsable, les intervenants sollicités sont des formateurs et des coachs mais ce ne sont déjà plus les mêmes consultants qu’aux deux niveaux précédents.

- Pour les changements de type 2, niveau des attitudes, les intervenants auxquels on fait appel sont des coachs. Les consultants qui travaillent sur les « procédures dures » ne sont plus du tout sollicités, ou lorsqu’ils le sont, ressentent le besoin de suivre une formation au coaching.

- Pour le travail visant des changements de type 3, au niveau de la structure profonde, les personnes auxquelles on fait appel sont des thérapeutes (au sens générique du terme, le cadrage anthropologique et conceptuel des protocoles donnant lieu à des thérapeutes extrêmement divers). Je recommande la lecture du livre d’Edmond Marc « Guide pratique des psychothérapies » aux Editions Retz, pour une clarification des différents types d’approches thérapeutiques (ou encore le supplément du magazine Psychologie d’août 2000 qui teste et rend compte de 50 types d’approches).
 
- Pour travailler sur les changements de type 4, au niveau du Prince, les intervenants peuvent être des coachs, des thérapeutes, des animateurs de stages de développement personnel.

- Pour les changements de type 5, au niveau de l’être spirituel, les intervenants sont classiquement des thérapeutes psycho-spirituels, des prêtres et autres accompagnants ou guides spirituels, chamans, anachorètes, gourous au sens noble du terme (un gourou désigne communément en Occident un maître à penser, un maître spirituel) et autres initiés des réalités spirituelles… En cette période de mutations profondes de société voire d’ère, de plus en plus nombreux sont ceux qui prétendent intervenir à ce niveau, avec compétence ou non (ça ils ne le disent pas toujours). Discerner n’est pas toujours si facile. On peut au moins questionner dans quelle filiation ils se positionnent. Ou à quel(s) cadres de référence ils font appel et sur lesquels ils assoient leurs pratiques.

Quoi qu’il en soit, il est recommandé d’être vigilant lors du choix de son accompagnant, parce que, selon les niveaux de traitement, on pourra rencontrer des personnes compétentes, crédibles et dignes de foi mais aussi des intervenants peu scrupuleux (même s’ils sont parfois d’une sincérité déconcertante de naïveté).

=== 

Dans la suite de l’article, nous aborderons une autre classification des types d'accompagnement en fonction de la grille des niveaux logiques de Dilts.  

À la semaine prochaine,

Jérôme Curnier 


Types de coaching et niveaux d'accompagnement (1/4)
Une série d’articles de Jérôme Curnier